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Experimential learning – L’importance de l’expérience dans la formation et la place du digital.
Rares sont ceux qui n’ont jamais suivi de formation en ligne de nos jours. « Micro-learning, learning-game, MOOC, etc. » sont les nouveaux supports de formation, consultables en tout lieu et en toute heure…
Prenons d’abord un peu de distance avec le digital learning. Oublions les débats « digital learning vs présentiel » et revenons à la question fondamentale : qu’est-ce qu’une formation ? Quels que soient la modalité, le sujet, la cible : c’est un moment de partage, d’expérience et d’appropriation d’un savoir.
Réfrénez votre enthousiasme, cet article ne présente pas LA nouvelle technologie qui va révolutionner le monde de la formation, mais souligne plutôt le glissement de paradigme qui s’opère, vers une formation où l’expérience est de plus en plus centrale.
Mais, qu’est-ce que l’expérience ? Selon le dictionnaire Larousse, l’expérience se définit comme « Pratique de quelque chose, […] dont découle un savoir, une connaissance, une habitude ; connaissance tirée de cette pratique ». Cela suppose donc que l’expérience est le fait d’éprouver quelque chose dans sa réalité et qu’elle a un rôle important à jouer dans l’apprentissage.
Alors, expérience et digital font-ils bon ménage ? Est-ce possible d’allier digital et apprentissage par l’expérience ? N’y a-t-il pas une limite à l’apprentissage expérientiel lorsqu’il est pensé en version digitale ?
Le langage de la formation professionnelle
Avant de rentrer plus intensément dans le sujet de l’apprentissage par l’expérience, faisons table rase de tout quiproquo et alignons notre compréhension des terminologies qui vont être employées.
En matière d’apprentissage, on distingue la théorie de la pratique :
- La théorie dispense un contenu universel (méthodes, définitions, guide de bonnes pratiques, etc.), des connaissances, du savoir souvent décorrélés d’un contexte particulier.
- La pratique tend à acquérir, expérimenter des compétences. L’apprentissage – ou plutôt le développement – d’un nouveau savoir se fait dans un contexte spécifique, représentatif de la réalité de l’apprenant. L’individualisation du contenu d’apprentissage est une étape très importante dans le processus d’apprentissage et de mémorisation.
Lorsque l’on parle de compétence on distingue les compétences comportementales – qui s’apparentent à des savoir-être comme les qualités humaines et relationnelles (communication, esprit d’équipe, intelligence émotionnelle, etc.) – des compétences techniques – savoir-faire tangibles et mesurables comme l’utilisation d’un logiciel ou la conduite d’un engin.
A contrario des compétences techniques, les compétences comportementales sont intangibles et donc difficilement mesurables, ce qui peut poser problème en formation.
Le changement de paradigme de la formation professionnelle :
« La répétition fixe la notion » … cette maxime ne vous est pas étrangère, n’est-ce pas ? Mais êtes-vous déjà demandé s’il est nécessaire de répéter de la même manière ? Si la transposition de théorie en pratique ne serait pas la clé pour un ancrage mémoriel plus efficace et pérenne ? En effet, la mémoire humaine a différentes facettes, différents biais : visuel, auditif, kinesthésique… fonctionnant chacun différemment, on peut supposer que la mobilisation de plusieurs formes de mémorisation permet de retenir plus facilement une information sur le long terme.
En formation, le modèle traditionnel est rattaché à l’appellation « 70/20/10 » :
- 70% d’apprentissage réalisés à travers les expériences et la pratique
- 20% d’apprentissage réalisés à travers les interactions sociales
- 10% via les canaux de formation traditionnels, aussi appelé apprentissage formel
Dans ce modèle, l’apprentissage formel ne représente que 10% des besoins réels en apprentissage. Pourtant une étude* a récemment montré que 80% des budgets de formation – dans le secteur privé – étaient réservés à ces 10%. Le paradoxe est net, un déséquilibre s’opère. *Etude réalisée en mai 2019 auprès de 1 500 professionnels de la formation en France, par UNOW.
Dans la formation professionnelle en général, on observe aujourd’hui que la tendance s’inverse. Le paradigme change : l’expérience précède – voir même prime – sur la théorie. Une formation tend alors à être une expérience vécue par l’apprenant. Expérience pendant laquelle il s’approprie une notion théorique, l’ancre dans sa réalité et en comprend le sens, par la pratique.
David Kolb – psychologue, professeur et théoricien de l’éducation – a synthétisé les travaux des chercheurs fondateurs du 20e siècle pour élaborer un modèle de l’apprentissage expérientiel. En 1939, il modélise un cycle d’apprentissage en 4 étapes et identifie 9 moyens d’apprendre à travers l’expérience.
Les 4 étapes de son modèle sont les suivantes :
- Expérience concrète d’une action ou d’une idée ;
- Observation de façon réfléchie ;
- Conceptualisation abstraite et théorique ;
- Expérimentation active, mise en application de l’idée ou de l’action en fonction de l’expérience initiale.
Prenons un exemple tout simple : l’apprentissage d’une langue étrangère, l’anglais. Vous aurez beau apprendre des verbes irréguliers par cœur, retenir des listes interminables de vocabulaire…. Votre apprentissage de la langue ne sera ni complet ni durable tant que vous n’aurez pas fait l’expérience de la langue, tant que vous ne vous serez pas confronté à une situation de dialogue direct. Il en est de même pour l’apprentissage du piano : apprenez, mémorisez, répétez des partitions de solfège aussi assidûment que vous le pouvez, si vous ne touchez pas à un piano, cela ne fera pas de vous un virtuose. « Il faut pratiquer » qu’ils disent.
L’« experiential learning » ou l’apprentissage par l’expérience :
Ce qu’on appelle « experiential learning » est, par définition « un processus d’apprentissage où le savoir résulte de la combinaison de la perception de l’expérience et de sa transformation. » (Kolb, 1984, p. 41). L’apprenant est confronté à une situation concrète – virtuelle ou réelle – et expérimente, éprouve le savoir et découvre par la pratique.
Pour la mise en place d’une formation en experiential learning, on peut en déduire que 2 approches pédagogiques semblent pertinentes : l’approche déductive et l’approche inductive qui laissent toutes deux une place à la pratique.
EÀ noter : les deux approches sont efficaces et à adapter en fonction du sujet de la formation et du niveau initial des apprenants. La théorie peut venir dans un premier temps comme éveil à la curiosité de l’apprenant. Puis l’apprenant expérimente ce qu’il a appris précédemment. L’expérience va alors donner du sens à la formation et faciliter la compréhension et la mémorisation.
Selon les sujets et la population cible, l’intégration d’une part expérientielle dans une formation présentielle est parfois compliquée à mettre en place. Par exemple, une formation de pilotage d’une fusée va nécessiter… une fusée. Un sacré budget pour un seul entrainement me direz-vous. De même pour une formation sur les risques – sécurité – environnement en centrale nucléaire, il est compliqué de mettre les apprenants en situation sans mettre sérieusement leur vie en danger. C’est là-même que la plus-value du digital learning – une de nos expertises chez Takoma – est mise en exergue.
L’apprentissage par l’expérience et les opportunités qu’offre le digital learning :
Le digital learning est par essence hors de la réalité, virtuel. Il paraît alors contradictoire de le lier avec la notion d’expérience. Pourtant, le digital apporte de nombreux avantage en formation que ce soit pour une question d’économie de ressources, de facilité de déploiement à grande échelle ou encore de sécurité et prévention des risques. Mais comment se met-il en place ?
En digital learning, un module d’experiential learning peut prendre 2 formes :
- Un module construit autour d’une seule et même expérience.
- Un module qui intègre une part expérientielle dans le déroulé de la formation.
De plus, l’experiential learning digital peut être mis en place à travers plusieurs modalités pédagogiques (quiz, cas pratique, etc.) et grâce à différentes technologies plus ou moins sophistiquées (2D, 3D, VR, etc.).
En matière d’experiential learning, le digital learning est tel un caméléon : à défaut de changer de couleur, il peut changer de forme, de modalités et de format. Le sujet de la formation et l’objectif pédagogique vont largement influer le choix des modalités, du format et de la technologie utilisée pour développer le module.
On peut catégoriser 3 niveaux de sophistication :
Exemple : Experiential learning, premier niveau.
L’experiential learning s’avère être une bonne solution pour s’approprier un contenu théorique ou réglementaire via des mises en situation / cas pratiques.
Un module e-learning sur l’éthique dont les enjeux sont les suivants :
- Se familiariser avec les principes du guide Ethique,
- Ancrer des règles de conduite dans une réalité terrain (donner du sens et favoriser la mémorisation)
- Assurer l’application des règles de conduite dans le quotidien professionnel…
Pour répondre aux besoins de ce client, nous avons développé un module sur-mesure :
- Intégrant une part d’expérientiel pour permettre un ancrage terrain, légitimer l’existence de chaque pilier éthique et engager l’apprenant dans la formation.
- Alternant les approches inductives et déductives pour donner du rythme à l’expérience et toucher le plus de profils d’apprenant.
- Utilisant des mises en situation de niveau 1 pour varier les situations représentées et respecter la contrainte de durée de module.
- Intégrant un aspect gamifié pour dispenser un sujet réglementaire de manière ludique.
Exemple : Experiential learning, niveau intermédiaire.
Pour une formation aux risques en centrale nucléaire par exemple, l’utilisation du digital et de la 3D va permettre d’immerger les apprenants dans une centrale nucléaire virtuelle, de faire l’expérience des risques nucléaires, sans risque pour leur santé. Ici la 3D permet de se former sur des sujets relatifs à la sécurité des employés ou nécessitant l’utilisation de technologies coûteuses.
Chez Takoma nous avons développé de nombreux modules intégrant de la 3D pour la formation au pilotage d’engin (métro, bus, etc) par exemple – compétences techniques – ou bien même pour l’acquisition de connaissances produits et l’adoption de la bonne posture client – compétences comportementales.
Exemple : Experiential learning, niveau avancé.
Chez Takoma nous avons aussi utilisé la technologie de réalité virtuelle (VR) pour développer une module e-learning pour l’apprentissage de la langue anglaise à destination d’une classe de CM2. En simulant des situations réelles, les apprenants se retrouvent immergés en situation de dialogue, et amenés à échanger. L’immersion dans un univers en VR offre une expérience qui fait appel aux sens et aux émotions et s’ancre dans la mémoire de l’apprenant presque comme un souvenir d’une expérience réellement vécue.
Ainsi, l’utilisation du digital permet de favoriser l’engagement des apprenants en supprimant la peur du regard des autres qui pourrait advenir en situation réelle. Cela favorise également la concentration et l’implication grâce à l’immersion dans un univers ludique.
En matière d’apprentissage, nous n’avons pas tous le même profil d’apprentissage, le même fonctionnement mémoriel et n’avons pas tous la même réalité. En effet, l’un sera sensible à une approche inductive, l’autre plutôt déductive, un autre sera plus sensible à une expérience en VR, là où un dernier ne sera pas du tout à l’aise avec cette technologie et préférera une « simple » mise en situation. Alors, pour intégrer une approche expérientielle en digital learning, une recommandation se dessine : varier les approches pédagogiques et les modalités pour toucher un maximum d’apprenants, dynamiser l’expérience et proposer des situations dans lesquelles les apprenants pourront éprouver, expérimenter les savoirs acquis, en les rattachant à leur propre réalité. Ainsi, engagés, les apprenants s’approprient plus facilement le savoir.
L’experiential learning digital offre un large éventail de possibles en matière de personnalisation de l’expérience. Que ce soit en matière de choix d’avatar, de storytelling ou de gamification, le champ des possibles est infini (dans la limite de l’enveloppe budgétaire allouée au projet bien-sûr).
Les limites du digital en experiential learning.
Bien que le digital ait sa place en experiential learning, des limites subsistent en matière d’expérience de formation. En effet, selon le sujet de la formation le digital est plus ou moins adapté et permet d’aller plus ou moins loin dans l’apprentissage.
Selon la compétence à développer, le digital offre des avantages différents :
- Pour l’acquisition de connaissances et le développement de compétences comportementales, l’experiential learning digital permet de susciter de l’émotion dans le traitement d’un sujet théorique à travers des situations concrètes, de faciliter l’engagement en faisant le lien entre théorie et réalité terrain pour ainsi favoriser la mémorisation des concepts clés. Dans ce cas, le format digital peut se suffire à lui-même, notamment dans le cadre d’acquisition de connaissance.
- Au contraire, pour le développement de compétences techniques, l’experiential learning digital permet de dispenser la théorie de manière contextualisée et un ancrage dans la réalité terrain pour souligner l’utilité de la formation et ainsi favoriser l’engagement. L’experiential learning digital est alors une étape, une première expérimentation mais ne peut en aucun cas se substituer à une mise en pratique en situation de travail réelle.
Une des limites principales d’une mise en situation via le digital réside dans le fait qu’il existe trop d’aléas et de facteurs dans la réalité, que ne peut prendre en compte une formation digitale (aléas humains, météorologiques, d’usure des matériaux, etc.).
On peut alors nuancer la réflexion en pensant le digital comme une émancipation du réel et de ses contraintes. Cette vision utopique du digital supposerait qu’un environnement virtuel – métavers – est le nouveau monde idéal où tout est possible.
Mais dans ce cas, le risque n’est-il pas de se déconnecter de la réalité ? Ces contraintes sont celles qui font la nature même du réel. S’en détacher totalement serait se détacher de notre réalité, de notre monde. Alors on pourrait se demander : à quoi bon se former dans un environnement qui n’est pas le nôtre ?
Par essence, digital est antinomique de réel. L’expérience est le savoir acquis à travers l’interaction avec l’environnement. Ainsi, une expérience digitale est une interaction qui se limite à un environnement virtuel. L’expérience a donc, par essence, une limite dans le digital – on ne peut y expérimenter qu’une partie de la compétence, on n’y explore qu’une partie des sens engagés dans la formation. Vous expérimentez une situation virtuelle mais vous ne saurez pas « ce que ça fait en vrai ».
Prenons un exemple : dans un de nos modules e-learning, nous proposons de mettre l’apprenant en situation pour la création d’un produit alimentaire. L’apprenant doit suivre des règles précises pour créer un produit conforme. Bien que les ingrédients, le décor de la ligne de production et les avatars soient conformes à la réalité, l’expérience reste limitée car virtuelle. L’apprenant sait qu’il peut se tromper, que ça n’aura pas d’incidence sur la réalité. Le risque est qu’il réalise l’expérience avec une assiduité bien moindre que s’il était en situation réelle, qu’il ne prenne pas la mesure des risques encourus en cas de non-respect des règles. Cette marge d’erreur infinie est un des côtés intéressants de l’experiential learning digital et représente également une des limites de cet apprentissage.
Ainsi, l’experiential learning digital trouve sa limite dans son essence : le digital. L’expérience apprenante à proprement parler, ne trouvera donc sa finalité que via un passage à l’action.
Experiential learning et digital : tout est une question d’équilibre.
« Ce que nous devons apprendre, nous l’apprenons en le faisant ». Aristote.
Pour conclure, l’experiential learning en digital est une des étapes clés du parcours d’apprentissage mais ne représente pas à lui seul un parcours de formation complet.
Mais non-substituable ne signifie pas non-complémentaire, vous en conviendrez. En effet, couplé à une application concrète en situation de travail (via des ateliers présentiels par exemple), l’experiential learning facilite la compréhension de concepts théoriques et l’assimilation de processus techniques.
En effet, tout est une question d’équilibre. Le digital apporte une grande liberté à l’experiential learning mais il faut savoir identifier le moment à partir duquel il est nécessaire de se confronter à la réalité.
C’est là que le concept de blended learning ou apprentissage hybride (formation mi-présentiel/mi-e-learning) apparait alors comme la solution pour un parcours de formation complet. La théorie et les premières expérimentations pouvant être réalisées via le digital, l’apprenant termine sa formation par un atelier en situation – ou inversement.
Aujourd’hui, la formation en blended learning apparait comme le nec plus ultra de la formation professionnelle digitale, car l’humain/le réel ne peut se substituer entièrement au digital. En formation, comme ailleurs, il faut savoir être ambitieux tout en gardant les pieds sur terre.
David A. Kolb affirme que « Le processus d’apprentissage par l’expérience a deux objectifs. L’un est d’en savoir plus sur un sujet particulier et l’autre est d’apprendre à mieux connaitre son propre processus d’apprentissage. »
Une autre réflexion s’ouvre alors autour de l’experiential learning. Si l’expérience permet d’acquérir des compétences sur un nouveau sujet de manière plus éclairée et pérenne, elle permet également d’apprendre à mieux se connaître. Expérimentez et vous en saurez plus (1) sur le sujet et (2) sur votre profil d’apprentissage. Tester plusieurs techniques, plusieurs approches pour savoir ce qui marche le mieux pour vous, pour comprendre comment vous, à titre individuel, vous apprenez.